Dr Charlotte redonne la dignité aux femmes atteinte d’une fistule obstétricale

Le docteur Charlotte Polle-Kaliti est une pionnière. Elle a été la première personne de son village à se lancer dans la médecine, devenant ensuite obstétricienne et gynécologue, puis finalement chirurgienne de la fistule obstétricale. Sur les 11 chirurgiens de la fistule dans son pays d’origine, le Kenya, elle est la seule femme.

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Au cours de ses années de pratique de la médecine, elle a brisé bien des barrières pour elle, son village et ses patients.

Aujourd’hui, le Dr Polle-Kaliti est gynécologue et chirurgienne de la fistule obstétricale accréditée au niveau international par la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique (FIGO). Elle a choisi cette spécialité pour aider les femmes qui se sentaient gênées de consulter des médecins masculins pour des soins de santé féminins.

Dans mon village, une femme qui avait un problème de santé féminin et voyait que le médecin était un homme, ce qui était presque toujours le cas, ne se sentait pas à l'aise pour lui expliquer son souci. Alors, elle mentait et disait qu'elle avait mal à la tête ou autre chose et elle partait.

Mais avec le docteur Polle-Kaliti comme chirurgien, nombre de ces femmes peuvent désormais avoir l’esprit tranquille tout en recevant l’aide dont elles ont réellement besoin.

La médecine, une vocation précoce

La passion du Dr Polle-Kaliti a commencé très tôt. Dans son petit village du Kenya, elle a très vite remarqué que les gens manquaient de soins de santé essentiels.

Je me souviens avoir vu beaucoup de souffrance et de maladies. Une femme enceinte pouvait mourir en accouchant. C'était tellement fréquent.

Le Dr Polle-Kaliti explique que ce manque d’accès aux soins médicaux était profondément ancré dans son environnement économique et géographique. Car de toutes façons, les gens ne pouvaient généralement pas s’offrir ces soins, même s’ils existaient. Elle a été touchée de près lorsque sa sœur a commencé à souffrir d’une maladie chronique. Les ressources financières de leur père et de la famille étaient limitées et consacrées à des factures médicales exorbitantes.

C’est en voyant les difficultés rencontrées à la maison et dans son village qu’elle a eu envie de se lancer dans la médecine.

Je me demandais sans cesse pourquoi les gens devaient passer par là. Y avait-il quelque chose à faire ?

L’idée a fait son chemin, et lorsqu’est arrivé le moment de choisir un parcours universitaire, elle s’est lancée dans des études de médecine.

Ce n’était pas facile. Son père voulait qu’elle s’assure un plan de secours. À l’époque, les carrières en médecine restaient essentiellement masculines. Sa tante, infirmière, était son plus proche contact féminin en médecine. Elle se souvient lui avoir rendu visite et avoir été émerveillée de voir à quel point son village comptait sur elle en tant que seule professionnelle de la santé. Cela a renforcé son désir d’étudier la médecine, et plus particulièrement la fistule obstétricale.

Traiter la fistule obstétricale en Afrique

La fistule obstétricale (FOB) est une blessure qui se produit lorsque les femmes vivent un travail prolongé et obstrué pendant l’accouchement. Si elle n’est pas traitée, cette affection peut provoquer une incontinence pour le reste de la vie des femmes qui en sont atteintes. Aujourd’hui, on estime que 2 millions de filles et de femmes en Afrique vivent avec une fistule.

Les femmes qui souffrent d'une fistule sont le plus souvent issues de milieux pauvres et n'ont pas les moyens de se faire opérer. Dans la plupart des cas, elles sont victimes de discrimination et de marginalisation ; certaines vivent dans l'inconfort et la honte pendant des décennies.

La stigmatisation et le manque de sensibilisation autour de la fistule frustrent particulièrement le Dr Polle-Kaliti.

Certaines communautés ne comprennent pas que la fistule est le résultat d'un accouchement avec obstruction et que c'est une affection traitable ; elles l'attribuent à des mythes tels que la sorcellerie ou les malédictions. Dans de tels cas, les femmes sont ridiculisées et rejetées : elles vivent la solitude et l’isolement.

Transmettre son savoir-faire

Mercy Ships a pratiqué des interventions chirurgicales sur la santé des femmes, dont l’OBF, pendant chaque mission depuis au moins 10 ans. Ces opérations ont lieu gratuitement à bord des navires-hôpitaux de l’ONG, principalement situés en Afrique sub-saharienne.

Le Dr Polle-Kaliti s’est portée volontaire pour effectuer ces opérations à trois reprises : deux fois au Cameroun et récemment au Sénégal.  Pendant la mission de 2022 à Dakar, le programme a duré 6 semaines et a permis de réaliser 34 opérations chirurgicales pour la santé des femmes. Quatorze d’entre elles étaient des réparations de fistules.

Il y a ceux qui peuvent donner une pièce de monnaie, et il y a ceux qui peuvent donner leurs compétences, comme nous les chirurgiens.

Après une série d’opérations réussies de fistules, le Dr Polle-Kaliti a rejoint les femmes pour la« cérémonie des robes ». L’équipe de l’hôpital organise cette fête joyeuse avec des danses et de la musique chaque fois que ces patientes sortent de l’hôpital. Elles reçoivent de nouvelles robes pour les mettre en valeur, symbolisant ainsi leur féminité retrouvée et leur nouveau départ.

Ce sont des histoires d’espoir, mais aussi des tragédies : des systèmes de santé plus solides auraient permis d’éviter ces fistules et une aide plus rapide. Selon le Dr Polle-Kaliti, le manque de chirurgiens correctement formés est l’un des obstacles à la généralisation du traitement des fistules.

Dans le cadre du programme de renforcement des capacités médicales (MCB) de Mercy Ships, le Dr Polle-Kaliti a récemment encadré le Dr Abdourahmane Diallo, un urologue sénégalais. Ils ont travaillé en étroite collaboration, permettant au Dr Polle-Kaliti de partager ses compétences chirurgicales. Elle estime que ce type de mentorat et de formation est tout aussi important que la pratique de la chirurgie.

Il ne faut pas se contenter de venir aider quelques femmes et de repartir, car ces femmes vont raconter leur histoire de guérison et d'autres vont vouloir se faire opérer. Le fait que nous puissions former des chirurgiens locaux pour qu'ils prennent le relais nous permet de constituer un réservoir d'expertise qui poursuivra le travail.

Le Dr Diallo travaille à l’hôpital général de Grand Yoff à Dakar. Il explique que les femmes, en particulier celles des zones rurales du Sénégal, sont constamment exposées au risque de fistule obstétricale en raison de la pauvreté, des infrastructures de santé limitées et des mariages précoces. Son hôpital accueille plusieurs patientes souffrant de fistules par mois, mais il y en a beaucoup d’autres qui ne se présentent pas.

Certaines vivent loin des hôpitaux, alors elles ne reviennent pas après les consultations parce qu'elles ne peuvent pas assumer le coût du voyage et les frais d'hospitalisation. Certaines ont tellement honte qu'elles n'envisagent même pas de venir à l'hôpital.

Le Dr Diallo travaille comme urologue depuis 10 ans, spécialisé dans les systèmes de l’appareil urinaire et les organes reproducteurs. À l’hôpital, il effectue également des réparations de fistules. Ces dernières années, il s’est intéressé de plus en plus à la chirurgie peu invasive. Il était enthousiaste à l’idée d’être formé par le Dr Polle-Kaliti, dont les techniques de suture l’ont impressionné : * »Elle a une technique sans faille que je vais utiliser sur mes patientes ».*

L’hôpital général de Grand Yoff étant un hôpital universitaire, le Dr Diallo affirme qu’il transmettrace qu’il a appris à ses collègues et à ses étudiants. 

« C’est la beauté de ce mentorat ; il aura un effet boule de neige. J’ai appris, donc je vais enseigner »

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